mercredi 5 juin 2013

Le Trouble et la lumière

      Lorsque j’ai mis le nez pour la première fois dans les effluves finales de Lys Epona un détail olfactif s’est accroché à mon esprit d’une façon assez particulière : c’était bien mon parfum, celui choisi parmi les trois dernières versions, mais il y avait quelque chose de particulier, un infime détail, flagrant en réalité. Je l’ai totalement occulté dans un premier temps. Le parfum était là, j’étais excitée, je le voulais et j’ai fermé le nez sur cette sensation.
      Mais pourtant chaque fois c’était comme une différence de lumière, une voix imperceptiblement modulée, le même rôle, le même texte, mais d'une humeur différente. 

      Pendant quelques temps j’ai nié cette évidence. Par une sorte d’humilité bien étrange j’ai mis cela sur le compte de mon nez et du fait que l’on ne pouvait pas avoir l’outrecuidance de me donner autre chose que ce qui était prévu (oui c’est moins humble, là, maintenant…). Puis j’ai eu peur de réaliser que ce n’était pas ce que je voulais si d’aventure je me laissais aller à suivre mes impressions et plongeais dans la décortication du jus. J’ai donc joyeusement adopté la bête et coupé la tête à toute question !


Il y a un moment où il faut plonger...


  
   Toutefois les questions sont têtues et trouvent toujours moyen de surgir.
  « Il est plus homogène/fluide/ harmonieux/fondu que celui d’avant » ainsi parlèrent certains cobayes des plus affinés. « Mais C’EST celui d’avant » pestai-je !!! Bref, après plusieurs remarques de ce type je ne pouvais plus simuler, je me jetai dans l'étude et plongeai dans un nouveau bain…




     J’ai alors laissé toutes les impressions m’envahir. Comme si le parfum éclatait en moi, juste être transportée dans ses couleurs, ses textures, sa musique, son univers… Observer l'oeil du cyclone et se laisser happer. J’ai savouré l'instant d'une nouvelle découverte.


   
    Les différences sont bien là oui. Mais comme un révélateur. Les heurts que j’aimais tant par leurs aspects déterminés, radicaux, violents et que j’avais tant peur de perdre se révèlent non pas tamisés mais liés par une sorte d’assurance. Ce n’est plus de la rébellion adolescente au souffle parfois saccadé (car maintenant c’est ainsi que je vois la version test !) mais un choix savamment vécu, une personnalité totalement indivisible, passionnée et épanouie. J’avais aussi peur de voir le museau trop strict de la version 11 se pointer, une sorte de frigidité impeccable dans la soie haute couture. Je n’ai qu’une soie sauvage et froissée, parfaitement hors des podiums. 

     Et d’un point de vue technique je découvre dès le départ ce qui d’ordinaire me fait soupirer d’ennui : la bergamote. Généralement ce passage obligé des notes de tête me laisse juste une impression d’agrume citronné loin de son odeur si particulière. Elle est ici en filigrane mais d’une luminosité réelle, dense mais sans prendre d’ampleur, elle me transporte à Nancy, une tasse de Lady Grey au bord des lèvres. Vautrée dans le camphre et les fleurs fusantes, déjà salie de foin, l’ouverture est radieuse, furieuse.
     L’évolution se fait de façon plus subtile aussi, sans pour autant perdre de force, le caractère est là et chaque facette s’accorde sans avoir à hausser le ton, sans laisser de silence pesant, sans tomber dans un précipice. Dans la version test de grandes enjambées servaient de passage, maintenant seule  la pente est raide, le chemin lui est dégagé.
      Le cœur de cuir se fait peau, les naseaux soufflent chaud, c’est vivant, ça palpite. Le foin sèche doucement libérant dans la chaleur un effet croupi troublant. Les fleurs blanches, jasmin, ylang, tubéreuse, servent le lys qui défile entre le vert aqueux d’une naissance et le brun flétri organique prêt à mourir.
     Une pulsation cogne avec le labdanum, un musc salivaire corrompt un savon oublié, le corps fait monter la température et diffuse dans tout le box, … Et au milieu de tout ça, un tintement lointain, lancinant, un invisible voile entre narcisse, iris et violette, comme un courant d’air fantôme au milieu du vice.  
          
    Ce que je sens aujourd’hui est simplement plus lumineux et exalté, moins abrupt mais toujours de front… Une force lumineuse, avec ses failles, un rire fêlé pour un dernier galop...
     Je suis totalement impartiale, je l’aime ce parfum.





...Pour enfin se prélasser après la course folle.








(… Et juste parce j’ai envie de le dire depuis le temps que l’attente me crispe : le dernier truc qui bloquait depuis des semaines se débloque enfin, les étiquettes vont arriver bientôt… Tout devrait naturellement s’enchaîner donc… Si tout se passe bien… Mais pas demain !)



 

 

 

 




2 commentaires:

  1. Mon Dieu, que cela est tentant !!!
    J'ai hâte de sentir la version finale... Et même de le porter une fois, pour voir...

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    1. Ha mais c'est avec plaisir -et curiosité!- que je te ferais sentir ça ;-)

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