dimanche 25 septembre 2016

Digression : Iris, Aurokind

Ou devrais-je dire Kewda ? J'y reviendrai.


        Ma réelle rencontre avec l'iris doit dater de cette création de 1999 pour Hermes, par Olivia Giacobetti : Hiris. C'est là que j'ai compris cette note et que j'ai appris à la reconnaître au milieu des innombrables autres qui peuvent l'accompagner dans un parfum. Mon histoire d'amour a alors commencé avec cette "fleur souterraine".
        Et c'est une histoire qui coûte fort chère.
        Si son évocation dans les parfums au registre cosmétique ou classique intemporel est courante et "abordable", et que j'y trouve parfois mon compte avec délice, il s'avère que ce propos n'est plus dans mes désirs d'iris aujourd'hui.
       Car voilà, cet iris je le veux en majesté et non pour farder un masque ou revêtir une chemise en soie. C'est donc là que cela se complique :  Iris Silver mist ? 170€ les 75ml... Purple Rain, Prada ? 250€ les 100ml... L'Heure Promise ? 264,50€ les 75ml...  La mode des parfums de niche joue sans doute un rôle magistral dans ce foutage de gueule financier même si la matière première est exorbitante en soi effectivement. Et chaque année on peut s'attendre à la traditionnelle augmentation de 5€.... Mais bon, pour l'iris déjà en 2007 avec feu Iris Pallida de L'Artisan Parfumeur on était, si mes souvenirs ne délirent pas trop dans les 240€ pour 100ml (puis il fut soldé quelques années plus tard à 40€. Souriez si vous avez payé...). Iris Silver mist, plus ancien (et tout simplement maître divin de sa catégorie), 1994, je l'ai connu au milieu des années 2000 à 105€...

     
     Alors comment ne pas sauter sur l'occasion de découvrir un nouvel iris pour une addition divisée par 100 ?!  Je n'en ai aucune idée puisque j'ai tenté.

Voici l'objet : un étui, avec à l'intérieur un roll-on 5ml, où il est indiqué Iris, Huile essentielle. Alors
oui je souris aussi devant ce liquide à 2,50€ qui me prend un peu pour une buse, moi qui rêve de massage au beurre et de baignade dans l'absolu (quelques dizaines de milliers d'euros le demi litron donc) ... Mais bon finalement on appelle bien du soja "steak" parfois alors pourquoi pas, rêvons tendrement même si déjà on y croit moins...
Et puis il y a aussi inscrit en petit, entre parenthèse, juste sous l'appellation iris le mot Kewda. Aucune idée de ce que c'est (grosse lacune) : nom botanique pour l'iris ? Sans doute pas ! Un mot exotique spirituellement inspiré ? Le parfum (simplifions ainsi la chose) est de la marque Aurokind, sise à Auroville, en Inde, connu pour... A vous de choisir l'ample débat pour la soirée à venir.
Et rien d'autre n'est précisé (si : les précautions blablabla). Impossible de savoir donc ce qu'il y a réellement dans cette fiole, pas de composition autre que HE, Iris et Kewa. Sur la fiole il y a tout de même inscrit : "fragrance blended from fine essentials oils".

 
   

Fleur de Kewda mâle
   

     J'ai alors consciencieusement cherché ce qu'était "Kewda"... Et c'est un extrait distillé issu des fleurs mâles de Pandanus. Il se retrouve effectivement en parfumerie (à priori assez prisé pour les attars) mais aussi en cuisine. J'ai donc appris une belle chose (bien plus en fait du coup), cela vaut déjà bien les 2,50€. (Un tour sur Fragrantica pour aller plus loin sans passer par toutes les pages botaniques, commerciales ou farfelues est parfait pour commencer en fait)
     Mais tout cela ne m'avance pas vraiment beaucoup car je n'ai pas su trouver de renseignement sur le contenu de ma fiole : Huile de kewda "parfumée" à l'iris ? Huile essentielle de Kewda ? Huiles de plusieurs choses parfumées à d'autres choses ?... Tout cela est très spirituel...


                                                                   


                                                                   


                                                                          Alors ça sent quoi ??? Pas l'iris.


      Désolée pour cette introduction totalement nulle et non avenue donc. Mais en revanche ce parfum est terriblement intéressant ! Il joue le jeu répulsion/attraction de façon assez addictive pour moi. Si je dis qu'il pue la cave à roquefort pleine de couronnes mortuaires défraîchies, je ne peux pourtant m’empêcher de mettre mon nez dessus, entre étonnement et satisfaction.
      Le départ me plonge dans une vieille pièce décrépite, voire dans la seule pièce encore debout d'une maison insalubre que l'on tente de sauver. Puis on se met au travail, on ouvre le pot de peinture et là on aperçoit un vase où se décompose des gardénias coupés. On les enlève pour les jeter, un fantôme de fleur blanche effleure la puissance de l'eau croupie et des tiges vertes moisissant, ça se mêle à la peinture, à la poussière, à la terre.
      C'est du Tipex aux champignons, humide et terreux. Ce sont des fleurs puissantes et acres qui malgré leur superbe jeunesse se liquéfient dans la pourriture ambiante, des limites d'ammoniaque se dessinent presque.
      Et pourtant... Sur les ombres de ce qui fut peut être une corbeille de jacinthes aux accents de glycine, piquée de gardénias et de roses, plane une rondeur d'abord sourde : un miel d'oranger. Je n'arrive pas à décider s'il poisse l'affaire ou si au contraire il fait voler les voiles des fantômes.
      L'effet de décomposition s'efface peu à peu, jamais totalement. L'air semble alors avoir subi une sorte de cérémonie purificatrice (oui, c'est Auroville, spirituel...) et des volutes d'encens habitent l'espace. Un encens au sens totalement commun/dévoyé/impropre, pas celui de matière précise, non. Celui fantasmé des boutiques indiennes, un imbroglio d'épices au santal.
      Puis le miel devient presque cosmétique, entre teintes violacées et pourpres, porté par un effet fleur d'oranger huileuse et lourde. Comme si la poussière ambiante tentait de se changer en masque poudré. En vain, elle s'accroche.
      Malheureusement le final se révèle floral et ennuyeux, comme s'il suffisait d'aérer pour que tout se répare.  Mais cette histoire à l'envers était très jolie.

      Et puis... Je le sens cet iris. A travers l'évocation râpeuse et florale, flétrie et aérienne. Il pourrait même venir de la magnifique maison Caron en plein écroulement avec ses accents miellés. Mais ne serais-je pas dans une généreuse exagération rêveuse ?




Flower house, Detroit. Par Lisa Waud, photo Heater Saunders
 


 


samedi 18 juin 2016

Olfactorama : L'heure du couronnement...

           

       L'aiguille de l'horloge a cessé de tourner et le moment de vérité a sonné. Si l'Olfactorama nous a distillé au fil des jours sur sa page facebook les noms des parfums sélectionner pour chaque catégorie, le grand soir révélant les vainqueurs vient tout juste de se dérouler.
Voici donc le résultat cette course sensorielle :


L'élu Atmosphère :
Dans mon lit, Malle
Kaolin, Iunx
Dark Galleon, Arquiste
Surreau Noir, Iunx
Marché aux épices, Diptyque.

...Mon coup de cœur et donc vote était pour Surreau Noir! J'ai ensuite longuement balancé entre Marché aux épices et Galleon. Galleon fut ma troisième place... Mais Toutes étaient assez agréables en fait et je suis contente du résultat, c'est une bien belle bougie...



L'élu Grand Féminin :
Must Gold, Cartier
B Balenciaga, Balenciaga
Narciso, Narciso Rodriguez
La fille de l'air, Courrèges
Aromatics in white, Clinique

... Dont je n'avais reconnu aucun sélectionné, et pour cause je ne les avais jamais croisé ! J'avais donc abordé cette catégorie totalement vierge. Et ce moment ne fut pas vraiment mémorable : je n'avais même pas su choisir 3 parfums sur les 5 proposés pour le premier tour. J'avais voté pour le Balenciaga dont j'adore littéralement le départ, seulement son l'évolution trop boisée gache beaucoup sa particularité. Must gold était mon deuxième choix, mais sans conviction. Le Narciso je ne peux vraiment pas : le coté femme sans poil refaite de partout ça me fait débander. 
Une première place en double qui ne me convainc pas donc...


L'élu Grand Masculin :
Infinity Spices, Mercedes Benz
Equipage Géranium, Hermes
Habit rouge dress code, Guerlain
Au masculin Extreme, Lempicka

... Je n'en connaissais qu'un seul, que je n'ai pas reconnu : Équipage géranium, Hermes. Pourtant je l'avais adoré à sa sortie -même si sur peau l'évolution me plait moins avec son travers masculin surané. C'est le vainqueur et j'en suis bien contente ! Ensuite par pure déduction j'avais pu en replacer deux : Au masculin extrême, Lempicka et Habit Rouge dress code, Guerlain.  Le quatrième, Infinity Spicy, Mercedes Benz : j'ignorais même sont existence et c'est là que je dis merci à l'olfactorama car c'est une belle découverte, il était en troisième position dans mes votes...


L'élu Grand Mixte :
Eau parfumée au thé noir, Bulgari
Infusion d'oeillet Prada
Eau de Cartier vetiver bleu, Cartier
Infusion d'amande, Prada
Eau parfumée au thé bleu, Bulgari

... Là j'en avais reconnu quatre sur cinq, seule L'eau parfumée au thé noir, Bulgari, m'était inconnue. Et j'en possède trois sur cinq : Vetiver bleu, Cartier,  Infusion d'oeillet, Prada et Eau parfumée au thé bleu, Bulgarie. Le choix fut dur entre Oeillet et Thé bleu, mais finalement j'avais voté pour le Bulgari et son coté thé vert infusé de lavande irisée... Mais le Prada est vraiment très beau et je crois bien qu'en fait il le mérité réellement ce prix...


L'élu  Emotion :
Oriental Express, Mugler
Palissandre d'or, Aedes de Venustas
Tabac Tabou, Parfum d'empire
Tellus, Liquides imaginaires
Succus, Liquides imaginaires

...J'en connaissais quatre sur cinq. Mais je n'en ai reconnu qu'un seul : Tabac Tabou, Parfum d'Empire. Et sa victoire est tout simplement une évidence : c'est un parfum qui a une âme, tenu d'un bout à l'autre par la passion et la sincérité. Tripes, couilles et savoir faire sur la table : c'est beau et ça marche, merci. Pour les trois autres (les Liquides et Aedes), à ma décharge, j'étais persuadée qu'ils étaient sortis de longue date. Un soupçon de mauvaise foi ? Sans doute, mais une chose est sure : ils ne m'avaient pas marqués lorsque je les avais découverts... Quant au Mugler, ce fut une découverte totale et pas trop mauvaise ! 



L'élu Virtuosité :
The Night, Malle
Misia, Chanel
Cologne indélébile, Malle
L'heure Perdue, Cartier
Chyprissime, Mugler

...Quatre sur cinq connus et reconnus ici (seul Mugler était un iconnu, et il fut une rencontre intéressante encore une fois !). J'ai eu énormément de mal à choisir mon vainqueur. Je pense même qu'aujourd'hui j'en choisirai peut être un autre. Le cœur, la raison, les sentiments, les desseins... Mais jamais je ne choisirais Misia pour cette catégorie!!! Faut pas déconner : il est beau, je l'ai. Mais il n'a rien de virtuose, il est bien fait, travaillé, mais il ne virevolte absolument pas sur les mêmes cimes que The Night ou la Cologne Indélébile!!! J'ai voté The Night, j'aurai du voté pour la Cologne je crois : oui là c'est un excercice tellement maitrisé et ciselé.


L'élu Patrimoine :
Cologne à la Russe, Institut très bien
Cuir de l'aigle russe, Oriza Legrand
Vacances, Patou
Vétiver, Le Galion

...Sur les quatre sélectionnés, j'en connaissais deux en version vintage et actuelle : Vetiver, Le Galion et Vacances, Patou. Les autres je les connaissais à peine en version actuelle. Ce fut compliqué de faire abstraction de ce "détail". Mais finalement en s'attachant au mot "Patrimoine" les choses s'éclairent et le nez suit plutôt bien : Vacances pour moi aussi. Et d'ailleurs je trouve que c'est un des Patou  rééditon Héritage le plus réussi (je n'ai pas remis le nez sur le vintage depuis des eons, ceci explique peut etre cela!)





        Et L'olfactorama a aussi tenu à mettre en lumière un parfum qui a particulièrement marqué chacun des ses membres. Un parfum qui leur semble important, tant avec le nez qu'avec le cerveau. Un parfum autant attaché à l'odeur qu'à la manière de la créer. Un parfum au propos qualitatif et "politique" finalement.
 Le prix Spécial de L'Olfactorama est donc pour : L'Heure Perdue, Cartier.

Ce que j'en pense ? Il me faudrait disséquer cette Heure qui n'est absolument pas ma préférée...
     Alors tout d'abord le propos revendicatif : le travail ici n'est réalisé qu'à partir de matière synthétique. Bien, alors je m'en contre fiche royalement. Cela éduque les foules ? Peut être donc fort bien. Avec une once de réflexion je dois avouer que cela me réjouit de voir un clou s'approcher du bec des pro naturel incultes, persuadés que la nature est bienveillante, jolie et la chimie toxique, moche. Un peu de de laurier rose dans votre tisane aux feuilles de rhubarbe ?
    Maintenant l'odeur : Il y a une chose très addictive, je l'ai déjà dit il me semble. Un coté charnel entre sécrétion intime et pâte à pain gorgée de levain. La pâte repose et gonfle, ça fermente, la croûte se forme et craque. C'est très organique, j'aime énormément. Mais ce n'est pas assez poussé. C'est subtil dirons nous. Ennuyeux aussi alors. Puis ça se fourre d'une vanille suave et là on me perd totalement : une sorte de serpent douceureux ondule et retourne l'estomac. C'est très texturé mais mon pain est bien gaché : la chaleur de la cuisson lui donne des allures de jeunesse bécasse.



      Une fois de plus ce fut un plaisir de participer à l'aventure de l'Olfactorama. Mon nez a joyeusement vogué entre enthousiasme et dégout, ce qui est un plaisir pour chacune de ces facettes sensorielles : il a vécu pleinement et il est bien content !
       Et vous savez quoi ? J'ai bien envie d'un peu du B Balenciaga (qui me rappelle donc la discontinuée eau de Bambou de kenzoki et le nouveau Jo Malone Nasturtium & Clover ) !!! C'est déroutant non ?  Bon je vais d'abord prendre une bougie Surreau noire chez Iunx et me faire un shoot de Tabac Tabou... Je ne sais plus où donner de la tête !!!




Corine Rottschaffer, miss monde 1959



                                         
   
   






dimanche 5 juin 2016

Olfactorama 2016 : L'heure tourne...

Harold Lloyd, Safety Last ! , 1923



      ... Et oui le temps passe, je m'accroche et je plonge dans la suite de la sélection. Je dois tout d'abord choisir par quel bout je vais prendre tout cela. La raison me pousse vers un certain ordre mais l'envie fait tout à l'envers.
       En réalité je crois n'y avoir même pas pensé sérieusement, j'ai juste foncé pour être débarrassée de cette catégorie qui me fait toujours un peu peur, allant jusqu'à oublier qu'elle existe encore de nos jours. Mais c'est parti, voici donc mon nez dans les M :



MASCULIN : 

M1 : Il ressemble à une piste d'atterrissage que je connais mais dans un autre pays. Ici le vent souffle plus fraîchement en faisant tourbillonner les épices dans la poussière... Le mirage d'un bel aviateur encore sale mais déjà propre.

M2 : Ho putain, j'adore ! L'impression d'être dans une maison connue dont on découvre une pièce secrète. Peut être justement un peu trop esprit "maison" d'ailleurs, mais alors on s'en fiche complètement tant c'est agréable !

M3 : Prenons un Dragibus et laissons le tomber dans la crème Nivéa. Bel effet qui donne envie de sucer un bonbon mais qui ne donnera certainement pas à monsieur la même faveur car l'estomac pourrait ne pas être loin des lèvres, ce qui avouons le, rendrait l’exercice périlleux...

M4 : Pourquoi tant de haine ? Bon d'accord j'ai aimé ce qu'il fut dans une autre vie (la sienne et la mienne) mais il ne suffit pas d'un twist nouveau pour retrouver ses amours ! Là, le déroulé de vie masculine entre l'acné testostéronnée au Macumba et la chemine blanche ouverte sur poils grisonnants chez Barclay est assez brutal.
     



      Ensuite, sachant déjà celui que je voulais garder pour la fin, j'empoigne les F :

FEMININ :

F1 : Sur un petit chemin, écrasant les herbes, froissant les bourgeons des buissons... Patatras ! Un caillou et je tombe la tête la première dans le gâteau. Quel dommage ! j'étais bien dans ce joli décor. Heureusement il reste à peu près comestible ce gâteau (enfin faut pas trop racler non plus ! )

F2 : Voilà ! Ça c'est un vrai beau chemin ! Terre et herbe à la tombée de la nuit, la chaleur emmagasinée qui pulse encore un peu. Comme il fait bon vivre. Il me semble tout simple, ultra facile et j'aime ça. Mais je me demande bien ce que c'est car il me fait penser à un disparu de longue date et à un bien trop récent pour cette promo...

F3 : Non merci. C'est classique, ça cocotte un poil sans poil comme un lifting dans Brazil.

F4 : Mais il est kromignon ce beau bébé biberonné façon cologne, on pourrait presque sentir un souvenir de vomi laiteux au loin. Enfant ou pâtisserie, c'est d'un ennui...

F5 : Je ne vais pas aller loin : ça pique et ça écœure. Que demander de plus ? Que cela cesse. Ce qui arrive assez vite, du moins ça se calme, et il semble que seul l’écœurement persiste. J'avoue tout de même qu'un truc (que je ne définis même pas) ne me déplaît pas tant en fait.


   

    Et enfin, la catégorie qui me rend le plus impatiente, car c'est bien tout ce que je demande à un parfum, les E :

EMOTION :

E1 : La main plonge dans le sac et sort un vieux rouge à lèvre, superbe moment suspendu... Puis elle trouve un paquet de croquants amande-noisette. Elle était si jolie... Puis elle a mangé trop de gâteaux.

E2 : Frotter un animal avec du persil est il considéré comme de la maltraitance ?  Au départ oui sans doute, ça pique. Mais finalement lorsqu'on le recouvre d'une serpillière moisie pour le consoler ça passe plutôt très bien.

E3 : Luxe et volupté. Peau et soleil. Fourrure et sexe. Addictif comme une trace de débauche, élégant comme une nuque de danseur (oui!). Une richesse folle, facettée et ambiguë.

E4 : Formule qui pique numéro 267... Je suis sur un bateau avec ses sièges en plastique, son essence, son vernis, la mer. C'est chaud mais inanimé. Un effet manqué sans aucun doute, je ne suis absolument pas où je devrais.

E5 : Comme c'est étrange. Plein d'informations contradictoires, une heureuse foire où les autos tamponneuses sont reines. Des choses que j'aime se heurtent à d'autres que je n'aime pas du tout. Je ne sais pas si j'aime donc : c'est comme déguster, avec des couverts en plastique, des fines de Claire aux gariguettes sur tian de courgettes aux abricots.




       
J'en ai reconnu bien moins que la fois précédente et certains ne sont que de pures déductions.  Il y en a même un qui me trouble beaucoup car je pense le connaitre et normalement je l'aime vraiment énormément, mais là un truc, qu'habituellement je n'ai pas, me saute dessus et casse tout... Très étrange, sans doute une erreur de ma part... Mais quand même ça me désole, vivement que cela soit tiré au clair !
       Il y a une catégorie dont je n'ai pas parlé car sa découverte se fait de façon différente et je livrerais trop de secrets à m'expliquer. J'y reviendrai peut être dans un compte rendu !
       Maintenant que j'ai livré mes premières impressions, sans rien analyser, de façon totalement spontanée, il va me falloir reprendre tout ça avec plus de précision et de calme. Et enfin je n'aurai plus qu'à faire mes choix. Certains sont évidents d'autres pas du tout et parfois, pour couronner le tout, cœur et raison s'affrontent... Tic tac, tic tac... Je m’attelle à la réflexion et ne lache rien!











Addenda :
Voici les noms des parfums qui ont été testés en aveugle

M1 : Infinity Spices, Mercedes Benz
M2 : Equipage Géranium, Hermes
M3 : Habit rouge dress code, Guerlain
M4 : Au masculin Extreme, Lempicka

F1 : Must Gold, Cartier
F2 : B Balenciaga, Balenciaga
F3 : Narciso, Narciso Rodriguez
F4 : La fille de l'air, Courrèges
F5 : Aromatics in white, Clinique

E1 : Oriental Express, Mugler
E2 : Palissandre d'or, Aedes de Venustas
E3 : Tabac Tabou, Parfum d'empire
E4 : Tellus, Liquides imaginaires
E5 : Succus, Liquides imaginaires

mercredi 25 mai 2016

Olfactorama 2016 : Course contre la montre !

Harold Lloyd dans Safety Last (monte là-dessus en vf) 1923


 
        Cette année il va falloir être rapide et organisée : je viens juste de recevoir le kit de 28 parfums pour la découverte en aveugle de la sélection Olfactorama 2016... Nous sommes le 25 mai et je dois donc rendre ma copie au plus tard le 6 juin ! Autant dire qu'avec ma vie sublimement bien remplie (ou à cause de mon organisation désastreuse peut être...) cela va être une véritable gageure.  Mais c'est aussi excitant je dois l'avouer, et je suis donc directement dans les starting block, prête à dégainer les mouillettes et à donner de ma peau pour la cause olfactive.



                                                                       Et voici ce qui va faire courir mon nez :




     Une fois n'est pas coutume, je vais me ruer sur ce qui brille et qui porte la mention "ouvrir pour sentir" car c'est une invitation qui ne se refuse pas ! Et puis dans le même set il y a aussi ces deux petits pots, l'un rempli de blanc, l'autre de noir et cela m'intrigue tout autant... Sans oublier un échantillon liquide qui se balade tout esseulé.
     Hop mon nez entre dans la course avec la catégorie estampillée A pour :

ATMOSPHÈRE :

A1 : Ha ! Non, non, non ! Ça ne va pas du tout ça...  Et en plus c'est le liquide à vaporiser ! Alors que je sentais des volutes de cumin émaner du kit tout entier, je tombe en premier sur celui qui n'est que petites fleurs typiques d'une bombe désodorisante alliant rose, muguet fraîcheur du jardin des lilas perdus... C'est fort désagréable, je ne vais pas au delà des premières secondes !!! (flûte, je passe peut être à coté d'un truc, mais ça pique trop...)

A2 : Le pot blanc... Voilà qui me calme car c'est tout confortable. Douceur floral poudrée, pointe fruitée acidulée ( à peine en fait, peut être pas du tout !). Oui c'est agréable. Mais j'ai un peu de mal à le sentir correctement dans cette présentation il me semble, ou alors il est très tamisé à froid. Il y a une légère sensation anis/réglisse réchauffée qui me plait mais il semble qu'un gourmand caramélisé plane sur l'affaire et cela m’écœure finalement.

A3 : Alors là je ne peux pas dire qu'il est tamisé celui ci (c'est un des papiers qui brillent)... Il envoie tant d'ailleurs que j'ai un peu de mal à tout déterminer pour un premier temps. Dans des codes très masculins il envoie valser la fougère sur du bois brûlé au relent de zan cuiré (la réglisse aurait-elle contaminée le pot blanc ? Je m’interroge presque...) J'aime énormément l'effet brutal cramé, mais j'ai du mal avec le nuage "Brut de papa".

A4 : Haaaaaaaaaa ! J'ai le droit de le manger ce truc du pot noir ? J'adore. C'est de la feuille et du fruit sur buisson avec le souvenir d'une cheminée lors d'une autre saison. Mais c'est aussi toute la sève et les résines qui se dressent, fraîcheur dehors et chaleur dedans... En fait c'est étrange je suis entre buisson et sapin. Peu importe j'aime vraiment cette odeur

A5 : L'autre papier qui brille... C'était donc lui qui embaumait le cumin ! Ça dépote grave. Je suis conviée à un barbecue saturé d'épices, le bois brûle, et je me vautre allègrement dans le cumin donc, romarin, coriandre, poivre sauvage de Madagascar et autres délices... En fait il y en a tant que je ne sais plus. Ça sent très bon, avec un bémol sur le nuage masculin (encore lui) qui l'entoure, mais c'est du couillu bienvenu tout de même.



   
     Enchaînement arbitraire avec... U. Quand il faut choisir parfois il n'y a aucun risque à laisser faire le hasard. Alors je pioche et je dois dire que ça me va de passer par lui avant de faire dans le clivage masculin/féminin. Donc U comme Universel, Unisexe ou encore comme :

MIXTE : 

U1 : Métal et levure. L'ouverture me picote un peu façon détergent à la rose pour silo céréalier crotteux perdu au fond des bois. Mauvaise pioche, je ne trouve rien à dire pour ce premier parfum !

U2 : Du vert pour la fraîcheur et du "bonbon anglais" pour se retrouver dans le cabinet du dentiste ?!? Une chose intrigante et très réussie dedans. Oui, donc en fait, je viens de réaliser que je l'ai... Mais il m'a fallu du temps ! Étrangement ce n'est qu'à l'évolution que j'ai compris. Sa dualité jeunesse/vieillesse m'évoque indéniablement une douce Baby Jane, c'est une référence parfaite!

U3 : Bien... Je crois que je l'ai aussi ! Du bien être vivifiant et confortable, un sourire de satisfaction en se délassant ou un coup de fouet pour se mettre en route, tout n'est que choix. Grand écart joliment assuré et maîtrisé, c'est l'art de la simplicité en toute efficacité.

U4 : J'ai cru l'avoir, mais non, pas cette fois même si je le connais. Joli mais non, pas autant qu'un autre. Certainement parce que cette note qui décline le tableau n'est pas ma came. J'oscille entre une journée à l'école primaire et une au lit en pilou. N'aimant ni les socquettes ni les pyjamas, je passe mon tour sur sa joliesse.

U5 : Je pense être prise dans une boucle olfactive spatio-temporelle entre le 2, le 4 et ce 5... Et c'est grave car cela veut dire que je ne reconnais peut être même pas un parfums que je viens d'acheter. J'hésite entre deux (que j'ai bien sur et qui n'ont absolument pas le même prix). Je suis vexée et ne dirai donc plus rien le concernant. Et non je ne bondirai pas sur mes flacons afin d'en avoir le cœur net et faire ma crâneuse en effaçant tout ça... Enfin c'est tentant quand même...
        Surtout lorsque, à force de m'auto-seriner le nom de cette note qui m'étonne dans la compo, je finis par trouver ce que c'est ! Et bien sur ce n'est pas l'une de mes hésitations, mais un troisième parfum, que j'ai également...Très beau.

 

   
     Et maintenant où aller ? Le V me semble un bon choix avant d'être saturée. Ce qui ne risque pas d'arriver parce que je ne compte pas sentir tous les sets en une seule fois, mais il fallait bien une excuse pour terminer ma journée avec celui ci :

VIRTUOSITÉ : 

V1 : Voilà donc, nous y sommes, directement sans prévenir... Démasqué dès la première inspiration, je dirai simplement que j'hésite entre un séjour dans un lupanar de Gomorrhe et celui dans le service gastro-entérologie à l’hôpital de Hard-Sur-Yvette...

V2 : ... La catin et la médecin ont remis leurs fards sur les restes de leur métier respectif et je les en remercie. Même si la pointe gourmande me tourne un peu l'estomac aujourd'hui alors que, le connaissant, il ne me fait pas vraiment ça normalement...

V3 : Revenons aux classiques faisant fi de tout stupre : il n'y a pas à dire, c'est beau. Une superbe élégance aux traits surannés de Dandy hors du temps, le regard goguenard évitant tout effet vieillot. Exercice d'écriture parfaite, rien ne dépasse et... Rien ne se passe.

V4 : Malgré ce soupçon osé et addictif levant sous le torchon chaud et humide, il me fait définitivement poindre une nausée métallique. L'idée est si intéressante pourtant. C'est agaçant, un peu comme le maïs dans une salade, on se dit que ce serait parfait sans.

V5 : Je me pensais forte à tous les reconnaître mais là non... Ou bien le doute m'étreint et je le confonds avec V3 qui ne sent pas du tout pareil ! Non, impossible. Mais d'une autre façon : rien à dire, un beau classique sans doute.




       Ce premier pas s'est révélé très intéressant : c'est fou comme l'aveugle peut torturer le nez. Il se contorsionne, entre souvenir et savoir, émotion et raison. Tourner en bourrique et déguster le moment vont de pair dans cet exercice !
       L'horloge tourne. Je prends quand même le temps de mettre mon nez au vert après toutes ces découvertes et de savourer l'idée de bientôt déguster la prochaine fournée et je m'y remets !




Addenda :
Voici les noms des parfums qui ont été testés en aveugle

A1 : Dans mon lit, Malle
A2 : Kaolin, Iunx
A3 : Dark Galleon, Arquiste
A4 : Surreau Noir, Iunx
A5 : Marché aux épices, Diptyque.

U1 : Eau parfumée au thé noir, Bulgari
U2 : Infusion d'oeillet Prada
U3 : Eau de Cartier vetiver bleu, Cartier
U4 : Infusion d'amande, Prada
U5 : Eau parfumée au thé bleu, Bulgari

V1 : The Night, Malle
V2 : Misia, Chanel
V3 : Cologne indélébile, Malle
V4 : L'heure Perdue, Cartier
V5 : Chyprissime, Mugler

   

vendredi 13 mai 2016

Autour du parfum : Création d'un semainier pour décants!




     
       Depuis un petit moment une idée me trottait en  tête...


      Chez moi, comme chez beaucoup de passionnés j'imagine, on trouve des tas de petits vapos en plastique, tout bêtes et pas franchement folichons mais qui pourtant renferment de précieux élixirs : les décants. Qu'ils soient juste pour le temps d'une découverte, le temps d'un printemps ou pour le parfum de toujours, ils sont en nombre, classés ou entassés, rangés ou se promenant un peu partout.
Je les gère selon l'humeur, à ma façon et tout va bien ainsi !

      Seulement je commençais à trouver cela un peu agaçant et tristounet, lorsque je partais faire le tour du monde ( bon, 3 jours à la campagne soit, mais c'est pareil !) de les fourrer dans un truc pas réellement adapté et pas forcément à mon gout. Parce que oui, il faut bien le dire, nous sommes un peu braques et personne n'a rien prévu pour nos indispensables décants adorés !!!
     Alors j'ai eu envie de mettre un peu de luxe dans tout ça et de pouvoir les trimbaler un peu partout sans pour autant qu'ils se perdent au fin fond d’un sac ou soient en vrac dans une trousse, aussi jolie soit elle.
     Donc je m’y suis mise et hop : de mes blanches mains j’ai imaginé et créé un «semainier nomade» tout ajusté au dimension des décants 8ml. Pourquoi semainier ? Parce que partir quelques jours au loin nécessite bien une belle provision de jus parfumés et donc 7 jours/7 parfums, même pour un weekend, c’est un bon chiffre !
     Les voilà donc bien calés dans une pochette 100% coton, en «grosse toile» toute simple recouverte de tissus japonais glanés ici et là... Chaque étui est unique, si le tissus peut parfois être le même, les motifs ne sont jamais placés au même endroit et la couleur de la toile change au gré de l’inspiration, des envies. C’est du vrai sur mesure pour parfumistas en somme ! Ils ont une petite poche intérieure pour y glisser... Ce que vous voulez en fait, moi je glisse juste un petit lien pour le maintenir bien fermé lors du transport!

      De mon coté j’ai enfin fini mon  trousseau (ça prends des heures à faire ces petites bêtes, et ça donne des ampoules sur le bout des doigts parce que je n’aime pas coudre avec un dé ! ) et maintenant qu’il m’en reste certains et que j’ai de quoi en faire d’autres, si jamais ils vous plaisent vous pouvez passer commande, je vends !



   

    ... Et en fait ils n'ont même pas besoin de voyager pour être heureux ces porte décants nomades : ils adorent tout autant rester à la maison !









         
                    ...Variation sur le même thème...






                 
... Et enfin le petit effet poche interieur :




        ...Bon, tout cela est artisanal, il ne faut pas s’attendre à des finitions Chanel (ou alors Chanel made in Bangladesh!), ils ont parfois des coutures coquettement un poil de travers (mais contrairement à ce que peuvent laisser croire les photos l'ensemble, lui, est bien droit ! )...  Les couleurs sont un peu biaisées, mais rien d'important.
          Voilà : couleur et tissus, les combinaisons sont prêtes à se faire épingler selon vos envies ! J'ai même des tissus sans fleurs ;-)


mardi 10 mai 2016

Digression : Les Sautes d'Humeur, L'artisan parfumeur

   


        En 1998 L'Artisan Parfumeur, outre le beau Navégar, sort un bien joli coffret tout de satin rouge vêtu, renfermant cinq petits flacons de 15 ml : Les Sautes d'Humeur. Une sorte de petite boîte à malice dans laquelle choisir son compagnon parfumé selon... L'humeur du moment donc. C'est Olivia Giacobetti qui se trouve à la composition, nous peingnant un polyptyque olfactif entre douceur et ardeur, joie et mélancolie, sans oublier le panneau gentiment rageur.
       
         Le point commun entre ces cinq opus réside dans cette façon limpide et poétique de faire vivre des émotions sans jamais les jeter au visage, sans céder à la facilité d'une mode provocatrice et pseudo arty, qui tend à la caricature façon "en voilà pour ton argent" ( Serais-je en train de penser aux Explosions d'émotions de 2013, resucée peu excitante de la même maison ? ). C'est expressif, fort et délicat sans être tape à l’œil. L'histoire de chacune est maîtrisée, L'Artisan Parfumeur a donné son cahier des charges et il est totalement respecté.
         Certaines de ses humeurs se retrouveront d'ailleurs plus tard, désossées, charpentées ou réécrites dans d'autres compositions d'Olivia, au sein de L'Artisan Parfumeur, chez Iunx, ailleurs. Comme si la parfumeuse reprenait sa palette, peut être un peu frustrée de ne pas avoir été maîtresse en son temps, ou simplement jouant les variations d'une partition qu'elle aime et peaufine à l'infini... Mais j'extrapole totalement en fait !
       
        Le jeu marketing nous disait alors que ces cinq fragrances avaient été pensées afin de pouvoir allègrement se mêler, se superposer sans honte, et ainsi dérouler tout le fil de nos émotions au cours de la journée ( la soirée, la nuit... Point d'heure pour les braves c'est entendu ! )
           Au final ces Sautes d'Humeur s'avèrent être bien jolies et certaines sont même terriblement prenantes, surprenantes, addictives.
     

          Voici donc comment se déclinent, selon le petit livret du coffret, ces cinq humeurs mises à l'honneur pour L'Artisan Parfumeur par Olivia Giacobetti :



D'Humeur jalouse : " Un parfum vert. Vert de jalousie. Vert comme une plante vénéneuse. Amer comme un poison. Celui qui empoisonne le sang de la jalousie, celui qu'elle rêve de faire boire à ses rivales, réelles ou imaginaires. Suave comme l'amande du noyau de l'abricot : amande cyanurée, mais si délicieuse dans la confiture qu'on n'y résiste pas...
   Une bonne raison de le porter : il contient le poison et son antidote. L'amer qui éloigne et le suave qui retient. Deux notes contradictoires vibrant dans ce parfum comme l'amour et la haine dans le cœur de la jalouse. "

D'Humeur à rire : " Un parfum rose. Comme le rose qui monte aux joues quand le fou rire vous prend. Rose vif. Comme un malabar, comme les rayures des bonbons anglais. Comme les ongles peints quand on a douze ans. Gai comme un tour à la fête foraine. Acidulé comme l'odeur de la pâte à ballon malaxée entre les doigts. Claquant comme une bulle de chewing gum sur le nez de son voisin.
    Une bonne raison de le porter : pour éclater de rire, parce que la bonne humeur c'est contagieux. Pour faire des facéties, des blagues idiotes et laisser libre cours à sa fantaisie. "

D'Humeur à rien : " Un parfum gris. Comme grise mine et ciel d'automne. Humide comme une maison qu'on ouvre et la bouffée de nostalgie qui vous submerge soudain. Silencieux comme une retraite volontaire à l'écart du monde. Rafraîchissant comme l'église où l'on se glisse un jour de chaleur accablante. Pénétrant comme les vapeurs d'encens qui vous entraînent à la contemplation.
    Une bonne raison de le porter : avoir envie de rester en tête à tête avec soi même, de prolonger encore un peu cette mélancolie qui se laisse apprivoiser et vous rend un rien mystique. "

D'Humeur massacrante : " Un parfum rouge. Comme voir rouge. Brûlant comme le feu. Énervant comme trop de café. Piquant comme la moutarde qui monte au nez. Soufré comme l'allumette qui craque. Et la flamme qui part dans un éclair... Comme une colère !
    Une bonne raison de le porter : le vaporiser, c'est comme casser une pile d'assiettes. Une façon d'exprimer sa colère et en même temps de s'en libérer. Une colère qui s'envole en particules odorantes, c'est tellement léger à porter ! "

D'Humeur rêveuse : " Un parfum Bleu. Comme l'infini où s'égare les rêveries. Moelleux comme le lit aux draps métis fraîchement lavés et séchés au soleil. Où l'on s'abandonne à la somnolence de la sieste, l'esprit vagabondant entre veille et sommeil.Tendre comme le brise agitant mollement le rideau de lin blanc et apportant dans la chambre obscure les parfums de campagne. Frais comme un verre d'eau de fleur d'oranger posé tout près de l'oreiller.
    Une bonne raison de le porter : faire, pour une fois, l'éloge de la paresse, et ne pas se laisser tout à fait réveiller par l'agitation alentour. "



                                             Il n'y a plus qu'à trouver de quelle humeur je serai lors du prochain billet !
   


 

lundi 14 mars 2016

Lecture : L'odeur de la mort à venir...

Première édition, 1940


      
           Décrire une odeur.  Tout le monde le fait.  Le "ça sent un mélange de chose et de truc comme si bidule machin" est très courant pour parler de tout un tas de choses du quotidien. On tente simplement de faire coller les mots avec ce que le nez perçoit et de partager une sensation, une idée d'un instant.
           Mais décrire une odeur imaginée, toute en vision et superstition, et pourtant tellement nourrie d’expériences personnelles, est autre chose. Tout se mêle. Souvenir, obsession, fantasme. Entre fiction et réalité se noue et dénoue une toute autre démarche. Et c'est là précisément que le talent fait exploser les limites, donnant vie à une odeur chimérique de façon si intense qu'elle finit par exister bel et bien... Oui, on devient sûr de la reconnaître cette odeur si un jour on est capable de la croiser...
         
           Pour qui sonne le glas offre cette matérialisation de façon magistrale et j'avais envie de le partager ici. De glisser cette parenthèse, ciselée et brutale, absolument sublime et tellement palpable. Celle de L'odeur de la mort à venir, telle que nous la livre Pilar, avec une précision, un rythme et une crudité à couper le souffle :

        

              Pour qui sonne le glas, extrait de l'édition Le livre de poche, 1984, chapitre XIX, page 277.


"(...)  - Mais comment est-ce que ça sent ? demanda Fernandino. Que sent-on ? S'il y a une odeur, ce doit être une odeur bien définie.
    - Tu veux le savoir, Fernandino ? fit Pilar en lui souriant. Tu crois que tu pourrais la sentir ?
    - Si elle existe vraiment, pourquoi est-ce que je ne la sentirais pas aussi bien qu'un autre ?
    - Pourquoi pas ?" Pilar se moquait de lui, ses grandes mains croisées sur ses genoux. "Tu n'as jamais été à bord d'un bateau, Fernandino ?
    - Non. Et je n'en ai aucune envie.
    - Alors tu ne la reconnaitrais peut être pas. Parce que c'est, en partie, l'odeur qui vient d'un bateau, quand il y a une tempête et que les hublots sont fermés. Collez votre nez contre la poignée en cuivre d'un hublot bien fermé, sur un bateau qui roule et qui tangue sous vous à vous faire trouver mal, avec un creux dans l'estomac, et vous aurez une partie de cette odeur.
    - Je ne pourrai pas la reconnaitre parce que je ne monterai jamais sur un bateau, dit Fernandino.
    - Moi, j'ai été plusieurs fois sur des bateaux, dit Pilar. Pour aller au Mexique et au Vénézuéla;
    - Et le reste de l'odeur, qu'est-ce que c'est ? demanda Robert Jordan.
    Pilar, qui se remémorait fièrement ses voyages, lui jeta un regard ironique.
    - Très bien, Inglés . Apprends. C'est ce qu'il faut. Apprends. Très bien. Après cette odeur du bateau, il faut descendre tôt le matin, au matadero du Puente de Toledo, à Madrid, et rester là sur le pavé mouillé, quand le brouillard monte du Manzanares, et attendre les vieilles qui viennent avant l'aube pour boire le sang des bêtes égorgées. Quand une de ces vieilles ressort du matadero, enveloppée dans son châle, avec une face grise, des yeux creusés et la barbe de la vieillesse sur son menton et sur ses joues, une barbe qui sort du blanc cireux de sa figure comme les pousses qui sortent d'une graine de haricot, pas des poils, mais des pousses pâles dans la mort de sa figure, serre-la fort dans tes bras, Inglés, et presse-la contre toi et embrasse la sur la bouche, et tu connaitras la deuxième partie de l'odeur.
    - Celle-là me coupe l'appétit, dit le Gitan. Les pousses, c'est trop.
    - Tu veux en savoir davantage ? demanda Pilar à Robert Jordan.
    - Sûrement, dit-il. Puisqu'il faut apprendre, apprenons.
    - Ces pousses sur la face des vieilles femmes, ça me fait mal au cœur, dit le Gitan. Pourquoi est-ce que c'est comme ça chez les vieilles femmes. Pilar ? Chez nous, ce n'est pas comme ça.
    - Non..., dit Pilar railleuse. Chez nous, la vieille femme qui était si svelte dans sa jeunesse, excepté naturellement l'enflure perpétuelle qui est la marque des faveurs de son mari et que toutes les Gitanes poussent devant elles...
    - Ne parle pas comme ça, dit Raphael. C'est ignoble.
    - Ca te vexe, dit Pilar. Tu as jamais vu une Gitane qui n'était pas sur le point ou qui ne venait pas d'avoir un enfant ?
    - Toi.
    - Assez, dit Pilar. Il n'y a personne qui ne puisse être blessé. Ce que je disais, c'est que l'âge apporte sa forme de laideur à tous. Pas la peine de détailler. Mais si l'Inglés doit apprendre cette odeur qu'il brûle de reconnaitre, il faut qu'il aille au matadero le matin de bonne heure.
    - J'irai, dit Robert Jordan. Mais j'aurai l'odeur quand elles passeront, sans les embrasser. Moi aussi, j'ai peur des pousses, comme Raphael.
    - Embrasse-en une, dit Pilar. Embrasse-en une, Inglés, pour savoir. Et puis, avec ça dans tes narines, remonte en ville et quand tu verras une poubelle avec des fleurs pourries, plonges-y la tête et respire pour que ce parfum se mélange à ceux que tu as déjà dans le nez.
    - Entendu, fit Robert Jordan. Quelles fleurs ?
    - Des chrysanthèmes.
    - Continue, dit Jordan. Je les sens.
    - Alors, continua Pilar, il faut que ce soit un jour d'automne avec de la pluie, ou au moins du brouillard, ou même le commencement de l'hiver, et maintenant il faut que tu continues à marcher dans la ville et dans la Calle de Salud pour sentir ce que tu sens quand on balaie les casas de putas et qu'on vide les seaux dans l'égout et, avec cette odeur de travail d'amour perdu mélangé au parfum sucré des eaux de savon et à l'odeur des mégots, avec cette odeur frôlant à peine tes narines, tu devras aller au Jardin Botanico où, la nuit, les filles qui ne peuvent plus travailler en maison font leur métier contre les grilles de fer du parc et sur le trottoir. C'est là, à l'ombre des arbres, contre les grilles de fer, qu'elles accomplissent tous les désirs de l'homme; depuis les demandes les plus simples, au prix de dix centimos , jusqu'à une peseta pour ce grand acte par lequel on est né. Là sur un parterre de fleurs mortes et pas encore arrachées, tu trouveras un vieux sac de toile abandonné, avec l'odeur de la terre humide, des fleurs fanées et des choses qui se sont faites cette nuit-là. Dans ce sac, il y aura l'essence de tout, de la terre morte et des tiges de fleurs mortes et de leurs pétales pourris, et l'odeur qui est à la fois celle de la mort et de la naissance de l'homme. Tu mettras la tête dans ce sac et tu essaieras de respirer à travers.
    - Non.
    - Si, dit Pilar. Tu mettras ta tête dans le sac et tu essaieras de respirer, et alors, si tu n'as perdu aucune des odeurs précédentes, en aspirant très fort, tu sentiras l'odeur-de-la-mort-à-venir telle que nous la reconnaissons.(...) "




Edition dont est tiré l'extrait.   





 

vendredi 4 mars 2016

Humeur : L'adieu aux heures


    

   

      Les Heures de Parfum, Cartier. Tout a débuté en 2009. Elles étaient 5 à ouvrir le bal parfumé. Aujourd'hui elles sont 11.  Elles seront 13 un jour.

     Ma rencontre avec ces heures a été un véritable émerveillement.  Je retrouvais grâce à elles le vrai sens de l'expression «parfum de niche» : un univers, une créativité, une maîtrise... Une réelle proposition d’auteur tout simplement.
     Mathilde Laurent livre ses visions, sans que l'on y perçoive grossièrement l’ombre du cahier des charges, le couperet aiguisé du «goût du jour», l’impératif de la montre qui tourne. C'est une chose assez rare cette impression de face à face direct avec l'artiste.
     Et puis allons à l’essentiel : ça sent bon ! Je pourrais presque dire que je les aime toutes... Un peu, beaucoup, passionnément... Seulement deux pour le «pas du tout» à vrai dire...
     Certaines me sont particulièrement chères, surtout l’une d’elle en fait. L'Heure Promise. Elle m’est indispensable. Je l’aime. A chaque fois que je la sens, que je la porte, j’éprouve ce transport particulier qui donne le sourire, un "Ho Putain!" au bord des lèvres devant sa beauté. Elle est telle qu'elle doit être, telle que j'aurais aimé la créer. Et c'est terriblement précieux. Merci Mathilde.

     Et pourtant je vais y renoncer :

  Les enchères avait débuté à 224€ les 75ml : une folie que je m’accordais. Cinq ans plus tard elles étaient à 258€ les 75ml : l’amour n’ayant pas de prix je cédais. Aujourd'hui elles se dressent à 265€ les 75ml : mes idéaux reprennent enfin leurs esprits, je refuse.*

                   
                      Ce petit foutage de gueule annuel, sous couvert de luxe et de liberté est arrivé au bout de ma tolérance.

                     Alors, un peu de Barbara sera parfait pour exprimer sans fausse note mes adieux aux Heures de Cartier :

                                                            «...J´ai beau t´aimer encore, j´ai beau t´aimer toujours,
                                                              J´ai beau n´aimer que toi, j´ai beau t´aimer d´amour,
                                                              Si tu ne comprends pas qu´il te faut revenir,
                                                              Je ferai de nous deux mes plus beaux souvenirs,
                                                              Je reprendrai la route, le monde m´émerveille,
                                                              J´irai me réchauffer à un autre soleil,
                                                              Je ne suis pas de celles qui meurent de chagrin,
                                                              Je n´ai pas la vertu des femmes de marins...»
                                                                                                                                       Dis, quand reviendras tu ? Barbara, 1964.

                                                                                                                                         
                                                                                                       











*Points de vente sélectifs, on ne les trouve que chez Cartier et en corner grand magasin. De l'un à l'autre les prix ont varié, la barre haute allant à ces derniers. Toutefois ils jouaient élégamment le jeu des réguliers -20% en les appliquant sur le stand Cartier, ce qui finalement les mettait moins chers qu'en boutique. Je les achetais là, les prix que j'indique sont donc ceux pratiqués en stand.