lundi 20 janvier 2014

Digression : C'est La Vie, Christian Lacroix

    J’ai construit mon histoire avec le parfum sur l’idée que nos débuts furent compliqués : les années 80‘s m’ayant retourné le nez et l’estomac, grâce à ces dames prêtes à conquérir le monde à l'aide d'une demi bouteille, déversée chaque matin dès 8h, au creux de leurs épaulettes. Dans l’ascenseur, les transports, les lieux confinés... Ce fut rude.
    J’ai mis du temps à apprécier le corps d’un parfum, et longtemps je n’ai porté que des jus plutôt légers (Osons situer l'affaire : Mûre et Musc de l’Artisan Parfumeur et Bambou de Weil !), laissant mon vice, déjà présent tout de même, se satisfaire des "outrageusement nucléaires" juste au bouchon, sur touche, mais jamais sur moi...
    Pourtant je viens de mettre la main sur un flacon, mon flacon... La légende trinque d'un coup ! Je l’ai porté presque à sa sortie, je l’ai aimé, et il n’est ni léger, ni clair, ni tendre, ni doux...

 


    1990, Edouard Fléchier prend la direction d’un grand orchestre symphonique et remet à la maison C.Lacroix une partition chatoyante et bruyante : C’est La Vie...
 

 

    Quelle entrée ! Tout tremble et résonne dès les premières notes, chaque instrument donne de la voix, l'accord semble précaire et pourtant il ne rompt pas, il est le décor même de l'histoire... C'est La Vie, C'est Casse Gueule, mais on fonce à travers entre joie et lourdeur.
    Les aldéhydes jaillissent, ourlés d'un ananas bien mûr, épicés d’œillet, gorgés de fleurs blanches très tubéreuses/seringats, avec cet aspect terpène narcotique... Un effet malabar framboise/cerise/jasmin accompagne l'ouverture de façon incongrue -et girly avouons le- pour très vite se fondre en une rose gourmande. Le coussin d'ambre est déjà là, juste une armature, il canalise le geyser.


    Lorsque le parfum se pose, le bouquet blanc laisse doucement tout le reste s'exprimer : de la pêche, jaune sans être très sucrée, un patchouli un peu rêche et boisé, de l'iris bâillonné au cèdre, une fleur d'oranger bardée d'ylang, jasmin, musc, benjoin, héliotrope, vanille... Toutes les notes, les matières s'entendent parfaitement... Il suffit de les lister et elles sont là, évidentes en plein fouillis, on ne peut les manquer...
      Oui c'est un joli bazar, une sorte de brouhaha enivrant, plein d'entrain. C'est plonger son nez dans le décolleté trop froufroutant d'une cocotte encore fraîche et jeunette,  de celles qui sont assez fières et arrogantes pour assumer leur brin de vulgarité sans aucune justification... Too much ? A peine. Juste ce qu'il faut en tout cas.
       Pourtant il a aussi un aspect plus profond, un velours tape à l’œil, aux zones d'ombre fuyante, miroitant au coin du feu, une tache de vin chaud, cannelle orange, fondue dans les plis. Le cuir d'une main gantée qui frôle des lèvres peintes. Et puis cette odeur de cheveux nourris d'huile indienne au jasmin qui reste sur l'oreiller...
     En réalité il n'y a aucun désordre, les 137 musiciens sont servis par une acoustique parfaite, ce qui est joué l'est avec justesse, l'émotion de la pièce est sur un fil instable, une sorte de united states of tara latent, et c'est sa force...  C'est La Vie ou l'art du chignon coiffé décoiffé !!!

   
     
      Mais je dois avouer que si son évolution arbore de jolis bois à la fois lactés et rêches, qu'elle devient moelleusement musquée, si elle adoucit l'ardeur des fleurs blanches et qu'elle tamise l'ambiance entre poudré et crémeux, elle n'oublie guère l'ambre, la vanille, l'héliotrope et le cortège de sucre des fruits, me le rendant tragiquement importable j'en ai peur... Mais  le minuscule champignon qui pointe, perturbant dans ce tableau, est terriblement intrigant et presque addictif, malheureusement il ne dure guère !
    Au final C'est La Vie joue sur toutes les facettes : floral, boisé, gourmand, fruité, poudré, grave, pétillant, très fille, très femme...C'est étrange de savoir que je l'ai porté, qu'il m'a plu. Une drôle de photo souvenir... Je m'y perds et je m'y sens bien.

(...Et j'ai toujours vu le flacon comme un rocher avec une branche de corail, bien trop petite d'ailleurs... Le cœur biologique de la chose m'avait totalement échappé. Je l'aime bien ce flacon...)






 

6 commentaires:

  1. Je suis fort étonnée que tu aies pu aimer (porter ?) C'est la Vie !
    J'avais, comme toi, succombé à son achat dès sa sortie, j'attendais une source de vie jaillissante et pulsatile, un parfum qui battrait la chamade au rythme de mes propres pulsations, veines enroulées des volutes "fléchiériennes" : que nenni ! La chose fut pour moi de l'ordre du champignon nucléaire so 80's, étouffante, arrogante, un garrot plus qu'un souffle de vie. Trop de trop, et une note amère qui me tapait les tempes jusqu'à l'épuisement. Vite relégué. J'ai conservé le flacon (l'avais-je finalement vidé ?), il m'évoque un coeur avec son aorte estropiée. Oui, estropiée, comme ce jus fouillis et presque bancal qui toussote et crachote ses poumons sans reprendre sa respiration...

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    1. Mais je suis tout autant étonnée!!! Je l'avais totalement oublié... Et oui oui, porté, le temps d'un demi flacon en tout cas, et maintenant je me souviens que je l'aimais bcp, c'est très étrange comme souvenir, totalement "décalé de moi" en effet!
      Tout ce "trop plein de note" est tonitruant, too much, et donne clairement une impression bancale tant il met de choses en avant, mais finalement il n'est pas si... Comment dire... Atomique, il est presque tendre par moment... En fait il me donne l'impression de la jeunesse qui commence à jouer à la Dame!
      Je l'ai aimé, je le crie haut et fort, mais je ne finirai pas mon flacon aujourd'hui :-p

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  2. oui attends demain, il est mieux le vendredi !

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    1. C'est dommage, vendredi j'ai piscine, je ne peux pas le mettre ce serait gacher !

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  3. tsss tsss, la civetone et ses relents amoniaqués, c'est parfait, moi je dis C'est la vie le vendredi. Le dimanche t'as poney, c'est moins bien je trouve.

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    1. Il est vrai, il est vrai... Hmmm, et la note chlorée de Fleur de Cassie me ravit, mais je ne suis pas sure que l'accord fouillis de C'est la vie superposé à celui claustro de la piscine me mettent en joie... Je le tenterai grandeur nature un jour de rhume, voilà, je pense que c'est bien comme ça!

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